Quelques édifices remarquables




Le monastère des Bénédictines du Calvaire

 Couvent du Calvaire, par Olivier Biguet, conservateur du Patrimoine

 

Le couvent des bénédictines de Notre-Dame du Calvaire, fondé à Angers en 1619 avec l’appui et en présence de Marie de Médicis, s’implanta dans un premier temps au lieu-dit la Pierre-Mauconseil (actuel secteur de l’extrémité du boulevard Descazeaux) ; mais le lieu ne leur convenant pas, les calvairiennes acquirent l’année suivante le site de Bellepoigne. Attesté dès 1195 (Bona Punia), il est acquis en 1290 par un Maurice de Craon ; dans un censif de l’abbaye du Ronceray de la fin du XIVe siècle, est cité le manoir de Bellepoigne « que tient de présent le seigneur de Craon », immense domaine entre les rues Vauvert et Bellepoigne (Monfrou) et s’étendant jusqu’aux arrières des maisons de la grande rue du Tertre-Saint-Laurent (rue de l’Hommeau). Ainsi les religieuses ont pu acquérir d’emblée une très vaste propriété à l’intérieur des remparts, passée entretemps sans démembrement notamment par la famille de la Trémouille puis par noble homme Joseph Charlot, valet de chambre ordinaire du duc d’Anjou, dont le gendre vendit ce lieu de Bellepoigne aux calvairiennes. Ces dernières, par d’autres acquisitions, purent constituer l’immense espace que nous connaissons encore. Cette communauté de moniales, issue de l’ordre de Fontevraud, par les nombreuses difficultés qu’elle a rencontrées pour sa fondation, est bien représentative du renouveau de la ferveur religieuse du mouvement de la Contre-réforme du XVIIe siècle ; elle fut canoniquement érigée par le pape en 1621.

Servant de prison pour femmes et enfants à la Révolution, c’était le lieu de départ pour les fusillades du Champ des Martyrs d’Avrillé. Après cette sombre période, le couvent fut vendu par lots en 1795, mais les religieuses, revenues, parvinrent à reconstituer leur domaine au début du XIXe siècle. C’est un cas exceptionnel d’un très grand domaine médiéval, puis de communauté religieuse du XVIIe siècle, en intra-muros d’une grande ville, à nous être parvenu intact dans sa superficie.

Ceint de hauts murs de schiste, le couvent est encore complet, avec son église, ses bâtiments conventuels autour du cloître, ses vastes jardins et jusqu’à la ferme pour une vie autarcique. Les constructions sont encore essentiellement celles du XVIIe siècle, mais un corps de bâtiment, donnant sur les jardins, pourrait remonter en partie au XIIe ou début du XIIIe siècle : deux étroites baies en plein-cintre ne semblent guère pouvoir être du XVIIe siècle (sinon les larges chanfreins) et seraient ainsi des vestiges du manoir médiéval de Bellepoigne. Des marchés et toisés de maçonnerie retrouvés aux archives départementales sont datés de 1620-1623 et encore en 1632 et nous livrent le nom de l’architecte Vincent Camus, qui venait en 1617 de construire le couvent des Minimes (détruit, actuel place du Général-Leclerc). D’une austérité propre aux constructions religieuses de cette époque, les bâtiments conventuels ne présentent sur des murs pour la plupart en moellons de schiste que des ouvertures tout au plus chanfreinées. Le cloître s’ouvre sur son jardin par de simples arcades en plein-cintre et les galeries ne sont couvertes que de charpentes autrefois lambrissées ou d’un simple plafond. Les étages ont conservé intacte l’atmosphère monacale du XVIIe siècle avec les longs corridors et l’alignement des portes donnant sur les cellules exiguës toujours en place. Un dessin de 1716 de Jean Ballain, potier d’étain, auteur de précieux dessins sur les monuments d’Angers, nous donne ainsi le portrait de l’église dans son état originel avant la construction de nouvelles chapelles et les reprises néo-gothiques, un édifice tout aussi sobre avec de grandes baies en plein-cintre (qui subsistent, intactes, transformées ou murées) éclairant un vaisseau autrefois en charpente lambrissée qui subsiste encore en partie au-dessus des voûtes modernes. Une première restauration fut confiée à l’architecte Louis Duvêtre en 1844 puis une seconde restauration générale en 1875-1877 qui conféra à l’église du XVIIe siècle son caractère gothique finissant quelque peu anachronique, avec ses voûtes à liernes bombées et clés pendantes, ses baies à remplages dont certaines sont nouvelles, la création d’une tribune au revers de la façade d’entrée comme celle d’un mur richement traité pour isoler le chœur des religieuses ; cette nouvelle paroi remplace une précédente séparation où se trouvait un autel conçu en 1655 par l’architecte et sculpteur Léger Plouvier. Des chapelles latérales, seule la plus grande est d’origine, la chapelle de Guéméné, du nom de Pierre de Rohan, prince de Guéméné, qui posa en 1620 la première pierre de l’église ; mais elle aussi présente des voûtes gothiques avec des liernes complétées de tiercerons dont les profils similaires à ceux du vaisseau de l’église ne semblent guère pouvoir remonter au XVIIe siècle. La porterie et les constructions annexes le long de l’allée d’entrée, observables sur des plans de 1795 conservés aux archives départementales, sont reconstruites dans les années 1860 (à usage de pensionnat).


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